MELLANOISESCAPE – Heartbeat of the Death (VINYLE & CD)

16.67

Sortie le 5 octobre 2018 (Ulysse Maison d’Artistes / Sony Music)

Vinyle + CD + 1 carte de téléchargement.

 

01. The Widest Scale

02. Overwhelming Joy

03. Black Scintillas

04. Hold the Void

05. Vitreous Circle

06. The Expected Word

07. Heartbeat of the Death

08. Comforting Monsters

09. The Glint

10. Across from the Castle

 

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Description

Olivier Mellano quitte un temps ses projets pharaoniques pour retrouver l’énergie brute, les torrents électriques et les cascades soniques autour d’un live électrique où il est accompagné par Lucie Antunes et Miët.

Après avoir traîné ses guitares dans d’autres formations, la nécessité de monter un projet solo s’impose. D’abord seul en scène en 2014 lors de la sortie du 1er album de MellaNoisEscape, il est à présent rejoint par 2 musiciennes de talent : Lucie Antunes à la batterie et Miët à la basse. Ce désormais trio creuse son sillon artistique flirtant avec Shellac, Battles, Pinback et Blonde Redhead.

Lorsqu’il monte MellaNoisEscape en 2014 c’est de son propre aveu pour se confronter à lui-même, s’émanciper un moment de gros projets collectifs, s’assumer aussi un peu plus comme « frontman ». Cet album recueille nombre d’éloges, tout comme sa tournée 100 % solo qui le verra même enchaîner 15 concerts en 3 jours durant les Trans dans différents lieux de Rennes, ville où il pose ses valises lorsqu’il n’est pas en tournée (ce qui reste rare). Olivier a déjà en tête la suite maintenant qu’il est allé chercher ses limites, et cela passe par l’envie d’une extension sonore de ce qu’il a créé. L’envie d’un trio d’abord, un groupe certes, mais où tout le monde est « au charbon ». Et celle de travailler avec des filles, des musiciennes, car il sent et il sait qu’elles ont parfois une énergie particulière, la capacité à entrer dans la musique en lui donnant une force « de l’intérieur ».

Il rencontre Valentina Magaletti lors d’un projet de musique improvisée avec Tristan Garcia initié par Transformabile. L’Italienne installée à Londres possède elle aussi des états de service pour le moins respectables dans le genre, ayant tenu la batterie au sein de groupes comme Tomaga, Vanishing Twins, The Oscillation, Bat for Lashes, UUUU (des membres de Coil et Wire) ou encore au sein de The Can Project (aux côtés de membres de MVB ou Sonic Youth, excusez du peu). Mais ce n’est pas tellement cela qui compte pour Mellano. Juste son jeu de batterie, généreux, précis, puissant, riche et sobre à la fois. Une évidence pour le guitariste, il le sait au bout de quelques minutes : ce sera avec elle.

Mais pour compléter le trio, il fallait un troisième pôle à la hauteur et c’est Suzy LeVoid alias Miët qui s’imposera naturellement, et ce, en dépit de sa jeunesse. Ceux qui l’ont vue seule en scène auront reconnu la même sève que celle de Mellano défendant en solo le premier MellaNoisEscape. Elle possède une énergie similaire à ses deux comparses, favorisant cette forme de tension que recherchait le guitariste, et une importante capacité de travail lui ayant permis de vite prendre sa place sur scène lors d’une première tournée crashtest.

Les musiciennes apporteront leur patte sur les arrangements, mais MellaNoisEscape reste le projet d’Olivier Mellano, qui écrit et compose, qui « pilote » dit-il. Il avoue aimer donner parfois une seconde vie à certains matériaux musicaux qu’il a utilisés dans d’autres cadres, ici une suite d’accord, là une boucle mélodique ou faisant subir un recyclage noise-pop à certaines de ses pièces pour instruments classiques. Si quelques titres existent déjà lorsque le compositeur se met à écrire l’album (voir plus bas), tout sera réalisé sur une période assez serrée d’environ 6 semaines intenses.

De facto, des thématiques récurrentes se dégagent vite, se répondant au sein du disque et de son prédécesseur, à commencer par le constat d’une inexorable dégringolade (écologique, politique…) de l’humanité, doublée de la célébration de tout ce qui fait que l’on tient encore debout, que nous sommes encore là, et que c’est la conscience de ce frottement qui pourrait nous sauver. Des frottements, des tensions, dans le propos textuel comme dans la musique, et souvent plusieurs niveaux de lecture…

Tenter d’être aussi lucide sur l’abîme qui approche que sur l’infinie beauté qui est autour de nous. D’un tel constat pourrait sortir une œuvre simplement noire et abrasive, et pourtant. Il y a de ça bien sûr et ce deuxième MellaNoisEscape n’a rien à envier à son éponyme ainé en matière d’explorations sonores, de tumulte et de sourde rage. Et pourtant son auteur lui-même sera surpris de ce qui sort, un disque finalement plus lumineux et plus pop qu’il ne l’escomptait, la sophistication des arrangements ajoutés après les premières prises de batterie n’enlevant rien au caractère souvent très mélodique des chansons. Comme la peinture baroque, il s’agit là de partir de la noirceur la plus profonde pour aller vers une lumière qui n’en sera que plus intense et plus éclatante. Mellano revendique ouvertement cette dynamique.

Et puisqu’il est question de peinture, on doit mentionner l’importance du somptueux visuel auquel l’album doit son titre «Heartbeat of The Death», une peinture de la Japonaise Haruko Maeda, installée à Berlin : en découvrant la toile alors qu’il venait juste d’entamer l’aventure MellaNoisEscape, le Rennais s’était déjà dit que ce serait la pochette de cet album. Il y voit l’illustration parfaite de cette sensation, aussi diffuse que profonde, réelle et tangible, d’une énergie traversant la nature, trace impalpable du pouls des disparus, vibrant autour de nous comme autant de résonances du passé, lorsqu’en disparaissant nous nous dissolvons dans la nature et dans les autres. Une interrogation déjà abordée dans «Dead Sparkling Stars» sur le premier album (2014), lui-même écho à «La Chair des Anges» (2006), traçant malgré lui un intéressant fil rouge dans l’œuvre pourtant largement polymorphe d’Olivier Mellano.

Plus que l’idée d’une « postérité » qui sied peu à la personnalité d’un artiste connu à juste titre pour sa gentillesse naturelle et son humilité non feinte, c’est surtout celle d’un rapport à l’autre même au-delà de sa propre disparition physique qui motive le compositeur, et surtout l’auteur à vrai dire. L’idée que sa musique puisse faire du bien ou toucher l’auditeur comme il est lui-même touché et reconnaissant à d’autres artistes de le nourrir de leurs créations. Il le concède avec pudeur, et admet que l’anglais est (outre un penchant évident en termes d’influences musicales), un choix naturel pour que le sens des mots ne fasse pas barrage aux émotions de la musique.

Quoiqu’assez pop dans la forme, les titres sont souvent plutôt longs, ce qui était assez inattendu pour MellaNoisEscape. Mais il se satisfait volontiers, et, à raison, de la structure bizarre qu’ils ont parfois pris, prenant le temps de se développer et d’investir leur environnement comme dans la peinture de Maeda. L’album s’ouvre sur un «The Widest Scale» comme une sorte de manifeste où le « NoisEscape » scandé tel un mantra noise-rock affirme l’intention du trio de nous emmener à la découverte de l’échelle cachée des choses, cristallisation d’une perception fugace, mais bien réelle.

«Overwhelming Joy» en est la souriante illustration. Oui oui, souriante. Mellano y illustre ici l’expérience que des écrivains comme Dostoievski ou Novalis avaient décrite avant que Romain Rolland ne le définisse comme « sentiment océanique », cette impression furtive d’une compréhension totale de l’univers, d’un tout qui fait sens, d’une évidence que l’on peut ressentir à quelques moments dans une vie et qui aide à supporter tout le reste, en restant connecté à quelque chose de plus grand.

«Black Scintillas» vient d’ailleurs en contrepied direct, tableau apocalyptique et très visuel de cette pluie de particules noire qui tombe sur les vivants glissant sur une infinie pente huileuse, illustration très immédiate de la grande dégringolade évoquée plus haut.

«The Glint» qui vient ensuite est une chanson qui existait depuis longtemps sur scène, un titre très adapté au live et dont Olivier doutait qu’il trouve sa place sur l’album, avant que son texte ne s’impose naturellement. Un décor très lynchien et une étincelle, de celles qui mettent le feu aux poudres. Là encore, de l’ombre à la lumière, comme «Hold The Void» un peu plus loin, où Mellano réutilise des éléments d’une de ses pièces aux sonorités baroques, avec un côté goth et des voix inquiétantes.

Entre ces deux pièces jumelles aux textes abstraits, images fortes, intérieures et opaques s’intercale «Vitreous Circle» et ses inexorables circonvolutions, chantant la perpétuelle boucle du temps (« we follow what’s behind »), installant une atmosphère aussi pesante que fascinante avant de laisser sa place à «The Expected World», constat assez explicite, universel, écologique, mais sans posture : « vert, comme le monde que nous avons empoisonné… » avec la troublant final du titre qui se termine de manière dansante, comme si la prise de conscience était le début du mouvement.